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«L’Église doit être un lieu de dialogue»

Denis Theurillat, évêque auxiliaire du diocèse de Bâle et enfant d’Epauvillers, a fêté hier ses 40 ans d’ordination en célébrant la messe dans son village. Le pape François et son éventuelle visite dans le Jura ou les défis à venir de l’Église catholique, Mgr Denis Theurillat a accepté de répondre aux questions du Quotidien Jurassien. Mgr Denis Theurillat était hier de passage dans le Jura où, à Epauvillers, le village de son enfance, il a célébré la messe à l’occasion de son 40e anniversaire d’ordination presbytérale.

Denis Theurillat, quel regard jetez-vous sur ces 40 années d’ordinariat?

Tout est passé à une allure tellement rapide. Décidément, plus je suis occupé, plus le temps passe vite. Je me rends compte avec le recul que durant ces quarante années d’ordination, il y a eu des périodes très intenses. Et ce vécu fait qu’en avançant, on se trouve toujours davantage motivé à poursuivre notre tâche.

Si vous ne deviez ressortir qu’un ou deux souvenirs de ces quarante ans, lesquels seraient-ils?

Je mettrais volontiers en avant les différents lieux par lesquels j’ai passé: Bassecourt, le Vallon de Saint-Imier, la Vallée de Tavannes, Delémont et maintenant Soleure. Tous ces moments durant lesquels j’ai été particulièrement dans les paroisses. Ces paroisses, je les ai beaucoup aimées. Notamment tous ces contacts que j’ai pu nouer et qui sont tellement importants. Ensuite, mon ordination en tant qu’évêque, en 2000, a été une nouvelle étape dans ma vie et compte évidemment aussi beaucoup. Je retiens aussi la Journée mondiale de la jeunesse 2013, à Rio de Janeiro. Elle regroupait 7 à 8 millions de jeunes venus à la rencontre du pape François qui venait d’être élu.

Vous avez évoqué Soleure, où vous vivez actuellement. Quelle place garde le Jura et ce Clos du Doubs dans lequel vous avez grandi?

Je suis un Jurassien bien sûr, et mes racines sont dans le Clos-du-Doubs, à Epauvillers.Je crois que mes racines me portent, là où je suis et là où je vais. Aujourd’hui, je passe le plus clair de mon temps en Suisse alémanique mais il est certain que chaque fois que je peux venir dans le Jura, et ce n’est pas si souvent d’ailleurs, je le fais très volontiers.

Durant ces 40 dernières années, le monde a énormément changé. Que pensez-vous de l’adaptation de l’Église catholique à ce monde en perpétuel mouvement?

Il y aurait beaucoup à dire. Je me réjouis que l’Église catholique ait le souci d’être de plus en plus proche des gens. L’Église catholique, comme d’autres églises, a le but de proclamer Jésus-Christ et son évangile. C’est sa tâche. Ces dernières années,il y a vraiment un effort qui est fourni dans tant d’endroits afin qu’on puisse joindre les gens, le mieux possible, dans leur quotidien. Notre pape actuel en est un exemple merveilleux. Il m’encourage chaque jour à quitter mon bureau rempli de dossiers pour aller à la rencontre des gens.

Le pape François, justement, donne cette impression d’être apprécié par tous. Comment fait-il?

Il dégage quelque chose d’exceptionnel. Il n’y a pas de jugement chez lui. Chaque être humain a une dignité et chaque être humain a droit au respect. Il nous vient de l’Argentine où il a été évêque et cardinal. Il a connu ces lieux où il y a la détresse. Il est venu à Rome mais est resté ce qu’il était. C’est prophétique, un homme de Dieu pour et avec les hommes.

Et parmi les Jurassiens aussi: c’est du moins ce que certains souhaitent en essayant de le faire venir dans le canton. Vous y croyez?

Mais pourquoi pas? Qui sait? Ma réponse peut paraître utopique, peut-être même qu’elle l’est. Mais on ne sait rien du lendemain. Je pense bien que le pape ne va pas venir seulement dans le Jura mais peut-être à l’occasion d’une autre visite en Suisse. Qui sait si cette terre du Jura ne l’attirerait pas? Et je continue de le dire, notre pape est inattendu.

Revenons concrètement à l’Église catholique, quels sont ses défis pour les années à venir?

L’Église catholique doit être un lieu de dialogue, et même de confrontation d’ailleurs. Des idées peuvent s’opposer, ce n’est pas grave. C’est même positif si l’on ose aborder les thèmes qui nous tiennent à coeur. Prenons par exemple les migrants. Nous avons la mission de proclamer une parole de l’évangile qui est importante. Il ne s’agit pas que de le dire dans une prédication mais aussi de la réaliser dans le quotidien. Ce que nous faisons dans notre ordinariat à Soleure en accueillant des réfugiés. Il faut que l’Église catholique ait de moins en moins le souci de ses structures – même si elles sont importantes – et qu’elle soit de plus en plus passionnée à rejoindre les hommes de notre temps pour leur dire qu’il y a une espérance qui nous dépasse et qui nous permet d’être et de rester debout. Et c’est tellement important. Les jeunes avec qui je dialogue veulent se situer dans la vie et sont chercheurs de sens. L’Église catholique doit pouvoir leur dire qu’il y a un sens à la vie.

Ces jeunes dont vous parlez, il y en a de moins en moins qui se destinent à une vocation dans l’Église catholique. Pourquoi?

Je suis pourtant persuadé que Dieu continue d’appeler. Si je suis maintenant prêtre depuis 40 ans, je crois vraiment qu’il y a eu un appel auquel j’ai répondu et c’est ce qui fait, aussi, que je suis encore heureux d’être prêtre. Je crois que des jeunes que je rencontre se posent aujourd’hui la question: Ne suis-je pas appelé? Une fois que je les quitte, je me demande s’ils seront accompagnés. Et je crois que c’est à nous, les adultes, de davantage suivre ces jeunes qui peuvent ressentir un tel appel. Il faut qu’ils puissent continuer ce cheminement. Je ne perds pas espoir. Parmi cette jeunesse, il y a un renouveau, une envie de se mettre au service des autres.

Le pape François a décrété 2016 comme Année sainte. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire?

L’Année sainte a lieu en principe tous les 25 ans. Celle de 2016 est celle de la miséricorde et se terminera le 20 novembre prochain. Le pape a voulu dire par ce décret qu’il faut que les coeurs s’ouvrent.La miséricorde, c’est un coeur qui se penche vers l’autre, vers la misère de l’autre. C’est une année qui dans l’Église catholique a une grande résonance.

MATTHIEU HOFMANN, Quotidien Jurassien